jeudi 15 mars 2007

SE LA RACONTER.

Alors voilà, au début j'ai flippé.
Nâââân: c'est venu plus tard: maintenant, hier, avant-hier, avant, aussi et ce matin.
Parce qu'au début, j'ai pas eu peur; non, au début j'me suis pas rendu compte...J'ai pas réalisé quoi, et puis mon moi intérieur était flatté....
Donc, lorsque B. m'a proposé d'être une des personnes qu'elle filmerait en vue de réaliser le documentaire qu'on lui avait commandé; j'ai dit oui.
Pourquoi?
Benh parce que c'était cohérent d'abord: le sujet, grosso-merdo, en prenant comme point de départ le pays d'origine de mon père devait constituer en un docu sur les thèmes de la guerre, de l'exil et de la mémoire, en passant par la transmission.
Ensuite parce que j'avais envoyé un papier là-dessus à Libération deux ans auparavant, et qu'il l'avait publié. MOI MAITRISER SUJET.
Moi MEME PAS PEUR vu que dans ma vie d'avant, j'étais comédienne; alors le public, les sunlights et tout le tintouin, autant dire que j'm'en rends même plus compte!
Nous nous sommes rencontrées à plusieurs reprises, B. et moi, et comme elle avait l'air intéressée, j'ai commencé à balancer. Enfin, j'ai raconté: comment je vivais la situation, l'Inconnue de ma Vie, le continent perdu de mes ancêtres, la souffrance, la violence, la mort...Comment tout ça prend forme ou pas, comment intégrer la déchirure, le trauma, tisser les liens obscurs de la mémoire, de l'histoire... Et quelle histoire? Celle des historiens? Du camp adverse?....Et qui est l'adversaire? Qui est victime? Qui est coupable? Comment trancher lorsqu'on est constitué des deux partis?
Et comment trouver la paix? Et....il est long le voyage?
Bref, toutes mes questions, celles qui m'agitent et que je considère. Je les tourne dans un sens.
Dans l'autre....Tiens, il y en a une autre derrière. Je jongle avec et j'avance en même temps sur la chaussée en essayant de ne pas me faire écraser...Pas easy-easy, mais avec un peu d'entraînement, c'est plutôt excitant.
Je suis double, issue de deux pays qui se sont aimés puis déchirés, dominant dominé dominant....
Quand B. m'a dit qu'il allait falloir penser à donner forme au truc d'ici l'été vu que c'est une commande et qu'il faut l'honorer, j'ai eu comme un grand blanc.
Et puis je me suis fait attaquer de toutes parts: "T'en as pas marre de raconter ta life? De t'exhiber sur les scènes et puis quoi encore? D'envoyer des mots au vent et de chercher midi à quatorze heures?....Et puis tout le monde veut la raconter, sa life, ma chérie: tu veux participer au grand déballage? Tu peux pas exister si personne te regarde? Et, euh, sinon, euh tu crois qu'ça présente un quelconque intérêt? Hein?"
Oh la la!...
J'ai essayé d'échapper aux flèches mais je pouvais tellement pas m'arrêter que j'arrivais plus à penser. Soudainement, le sens de tout ça m'avait échappé. J'ai résisté comme j'ai pu, je suis aller faire les repérages avec B. J'ai repéré . J'ai retrouvé mes repères. ( SOUPIR)
Ces lieux symboles de ma quête, les gens qui les habitent; ceusse qui m'accompagnent, que je soutiens . On s'est parlé.
Et là, ça s'est éclairé: que le Sens, c'était cet échange, ce regard porté sur l'autre, ces accolades, ces batailles. Que la Transmission, c'était ce flux où le sens prenait corps en nous transformant.
Que même dans la Guerre on rigolait, on s'embrassait. Que l'Exil est une route. L'important c'est de savoir d'où on part pour pouvoir y retourner si ça venait à manquer.
Dans la Mémoire, y'a des trous et c'est très bien comme ça, la Création se niche là-dedans.
La Singularité de chaque histoire, chaque propos, comme c'est fascinant de s'accompagner, de chercher ensemble.
J'ai passé une bonne journée.

1 commentaire:

For Your Eyes Only a dit…

La mémoire, le devoir de mémoire, tu ne sembles pas y échapper, tu le recherches, tu te cherches, tu vas ton chemin, par divers moyens, il y a de la souffrance à chercher, à essayer de faire le vide? de laisser derrière soi une partie de soi afin de se re-trouver, sans trop de culpabilité, et enfin se dire oui je viens de là...